Mon côté archaïque étant établi par mon précédent texte, je vais continuer à le revendiquer en me penchant sur une catégorie hors-sol, coupée du monde qu'elle est sensée connaître et présenter, j'ai nommé les journalistes.
Je croyais naïvement (j'ai aussi un côté naïf prononcé) qu'un journaliste était un fin observateur de la vie telle qu'elle se déroulait et un rapporteur fidèle de de ses soubresauts, de ses côtés sombres et lumineux. Je pensais qu'un journaliste était un témoin impartial, ou engagé lorsqu'il le revendiquait mais qu'en aucun cas il ne lui prendrait l'envie de se poser en juge et en donneur de leçons pré-mâchées et convenues...
Force est de constater que je fus vraiment naïf...
De nos jours, les seuls moments où les journalistes dans leur immense majorité (je tiens à préciser qu'il existe une minorité qui fait honneur à leur profession) se rebellent c'est lorsque quelqu'un ose, offense suprême !, s'en prendre à l'un d'entre eux... Dans ces moments là on sent cet esprit de corps qui ferait presque plaisir à voir si en plus ils se penchaient sur l'origine de l'attaque...
Mélenchon insulte Pujadas dans un reportage qui, s'il n'avait pas été repris en boucle par les médias, serait passé relativement inaperçu : Populisme indécent ! Honte insupportable ! Il est vrai que nous sommes tous conscient des qualités journalistiques de Monsieur Pujadas, de sa façon mordante d'interviewer les puissants et son respect mâtiné de servilité d'interroger les faibles... Ou l'inverse ? Je ne sais plus, je ne le regarde plus.
Non, il vaut mieux faire des gorges chaudes sur l'atteinte à l'intégrité proclamée de l'élite médiatique que de s'interroger sur le fait que nous pensons tous à peu près la même chose et que nous les tenons pour ce qu'ils sont : des garants de la « modernité » qui ne profite qu'aux mêmes et qui nous révulse, nous les archaïques...
J'ai même assisté au même type de réactions de journalistes sportifs contre Puel qui avait osé insulté après une conférence de presse un journaliste qui passe son temps à longueur d'articles à descendre son équipe et ses joueurs... Shocking ! La liberté d'expression des journalistes est sacrée ! Pas touche ! Il insulte qui il veut d'abord ! Et manquerait plus qu'en plus il y ait rébellion de la cible...
Tout cela ne serait que corporatisme et défense des acquis (ces mêmes corporatismes et défense des acquis que nos chers journalistes fustigent chez les autres à longueur de colonnes) et serait juste décevant de leur part si ne s'y mêlait d'autres considérations plus inquiétantes et frustrantes pour l'archaïque que je suis.
Si je résume un peu ce que l'on entend à longueur d'éditos, de reportages, d'articles, nous sommes un peuple réactionnaire, râleur, archaïque, fainéant, arc-bouté sur des privilèges exorbitants à l'heure de la mondialisation heureuse qui est synonyme de perte de qualité de vie pour nous mais qui rend tellement les Indiens, les Chinois et les Brésiliens si contents de leur sort (enfin ceux qui en profitent effectivement et qui sont loin d'être la majorité).
Il nous faut nous rendre à l'évidence et admettre que notre vieux pays doit se soumettre. Que nous devons accepter que nos enfants aient un avenir incertain et surement moins rémunérateur que le notre qui commence déjà à pâlir en regard de celui de nos parents. Mais surtout nous devons (oui la notion de « devoir » est fortement célébrée ces dernières décennies, moins celle de « droit » bizarrement) continuer à consommer et faire comme si de rien n'était. Après tout ce qui nous préoccupe, les médias le savent bien mieux que nous, est de savoir si nous pourrons partir en vacances, si nous pourrons le faire avec notre voiture dûment ravitaillée en carburant et je suppose que les premiers reportages sur Noël et ce que nous sommes supposé dépenser en moyenne en cadeau ne vont pas tarder à tomber...
Nous sommes donc, un peuple réactionnaire, râleur, archaïque, fainéant, arc-bouté sur des privilèges exorbitants, matérialiste, égoïste (avec quelle délectation on nous montre les matins de grève des français « moyens » énervés parce qu'il sont gênés ces nantis de grévistes. Bon en ce moment je trouve que les médias ont plus de mal à trouver des victimes qui ne soient pas compréhensives des mouvements sociaux), et totalement incapable d'appréhender des concepts un peu compliqués. Il faut donc nous les pré-digérer, les réduire à des concepts simplistes avec d'un côté le bien et de l'autre le mal... Et on nous demande ensuite de choisir...
Nous détestons l'étranger, l'autre, celui qui risque de nous piquer nos femmes, notre boulot pour lequel nous sommes trop payé par rapport à l'ouvrier Chinois et nous ne voulons pas que le monde bouge.
Vous vous reconnaissez dans ce tableau ? Non ? C'est pourtant celui que l'on vous dépeint chaque jour, quel que soit le média de masse employé...
Dorénavant les Américains font plus confiance aux informations circulant sur le net que celles fournies par les médias traditionnelles. A quand ce même phénomène en France ? Bientôt peut-être. Ce qui a le don d'énerver la médiacratie (quel autre nom lui donner ?) qui accuse internet de populisme (je vous conseille de lire ce que Jean-François Kahn dit à propos de l'origine de cette accusation de populisme) et de démagogie.
Amis journalistes (pure figure de style, les quelques amis journalistes que j'ai me confortent dans la respectabilité de ce métier lorsqu'il est exercé avec éthique), ne voyez-vous pas que pour reprendre un terme devenu célèbre il y a une fracture sociale ? Entre d'un côté les élites dont vous faites partie pour la grande majorité d'entre vous et de l'autre ce peuple que vous vous vantez de connaître mais que vous méprisez en ne faisant pas l'effort de le comprendre.
Comment pouvez-vous asséner qu'il faut réformer la France quand cela ne veut dire que régression sociale et abaissement de la qualité de vie, ce que nous savons tous ? Ce mot de réforme est une escroquerie que vous contribuez à propager. Vous acceptez même un recul de la démocratie quand vous laissez le pouvoir espionner les vôtres ou déplacer des juges trop indépendants mais du moment que cela ne salit pas votre réputation et ne vous importune pas personnellement pourquoi aller jusqu'à protester ?
Comment pouvez-vous avoir l'outrecuidance de nous insulter lorsque nous rejetons un traité que vous avez présenté comme obligatoire et ne pas réagir lorsqu'on bafoue notre choix en l'imposant d'une autre façon ?
Comment pouvez-vous brocarder le régime russe et laisser un procureur français impliqué dans une affaire d'état impliquant le chef d'état décider s'il donnera suite ou non aux enquêtes diligentées sans exercer ce fameux 4ème pouvoir pour l'obliger à ce qui s'appelle de la justice et de la décence ?
Comment pouvez-vous répercuter sans même les commenter les déclarations du gouvernement ? Sans les analyser ou les infirmer s'il y a lieu ? N'enseigne-t-on plus la notion d'interview dans les écoles de journalisme ? Je parle de ce style d'intervieweur qui pose des questions pertinentes et contredit lorsque des énormités sont assénées par les homme politique ou les simples détenteur de l'orthodoxie moderne.
Comment voulez-vous que nous vous écoutions ? Que nous vous comprenions ? Que nous vous respections ?
Le respect se gagne par ses actes et ses paroles. On respecte celui qui est debout. Pas celui qui se couche. Et celui devant qui on se couche ne nous respecte pas plus, au contraire...
Nous ne sommes ni des demeurés, ni des simplets. Nous comprenons les enjeux et les situations, même si cela implique de prendre son temps pour les assimiler. Nous avons besoin d'espoir et de rêves. C'est le devoir des politiques de les inventer mais c'est aussi le votre de en tant que miroir auto-proclamé des Français de nous les répercuter dans leur ensemble... sans les tronquer ou les annihiler parce que vous ne les acceptez pas.
Respectez-nous et nous ferons de même.... Peut-être même finirons nous par vous aimer de nouveau ?
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