jeudi 19 novembre 2009

Roger Kowalski est mort


Roger Kowalski est mort dans le 17e arrondissement de Paris le jour de mon anniversaire.
Il avait mon âge.
Je ne sais rien de lui. Juste que son seul contact était le Samu Social.
Comment sais-je qu'il est mort ? Parce que j'ai assisté ce 18 novembre à la cérémonie organisée par le Collectif des morts de la rue, à la mémoire de ceux qui sont morts cette année.

299 morts à ce jour. Presque un par jour. Moyenne d'âge 47 ans.

À quelle époque faut-il remonter dans l'histoire pour que l'espérance de vie des Français soit de 47 ans ? Le Moyen-âge ? La préhistoire ?

Sur la place du Palais-royal, un cimetière éphémère était installé. En guise de stèle, une feuille de papier au format A4 scotchée sur une couverture posée à terre. Sur cette feuille, le nom, l'âge et la date précise de la mort ainsi que le lieu. Écrites à la main, les circonstances de la mort et à 2 à 3 reprises une photo. Quelques fois un poème.
Mais parfois, souvent, juste une indication : environ 40 ans. Où pire : « un homme » ou « une femme ».

Même dans la mort certains n'auront même pas le droit qu'on pense à eux...

On ne peut pas, on ne peut plus accepter que l'on ne puisse se souvenir d'une personne que sous « un homme de 40 ans mort à Paris le 15 juillet 2009». Parce que les invisibles de la rue meurent plus en dehors de l'hiver... Parce qu'ils sont invisibles justement.

En voyant ces tombes virtuelles, en entendant ensuite l'énumération des 299 noms (plus que le nombre de personnes assistant à cette cérémonie), je fus pris d'une incommensurable tristesse.
Elle ne me quitte pas au moment où j'écris ces lignes.

Je pleure sur eux. Leur vie abîmée, gâchée, qui n'a pu être sauvée malgré tout l'amour et le dévouement déployés par les associations qui les aident et les soutiennent, qu'ils en soient un million de fois remerciés.

Je pleure aussi sur la société qui laisse une partie des ses enfants s'éloigner, ne pas trouver sa place et au final mourir loin d'elle.

Je pleure enfin sur mon impuissance à changer les choses alors que mon engagement politique vise à rendre cette satanée société plus juste et plus humaine !

Mon amie la plus proche fait preuve d'une humanité plus grande que je ne le pourrais jamais en aidant directement les sans-abris avec les Restos du Cœur, en participant aux actions des Enfants de Don Quichotte et en organisant des maraudes elle-même afin d'aider ceux qui sont tombés.
Elle s'attaque, comme les associations, aux effets, aux symptômes de la maladie qui ronge la société. Elle pallie aux carences d'un état qui prône depuis tant d'années un individualisme forcené et applique un désengagement de son rôle de protection.

Il nous faut, nous qui nous targuons de vouloir changer la société, apporter une vraie réponse.

Inventer et apporter une nouvelle vision et la mettre en place.

En collaboration avec les acteurs efficaces sur le terrain, répondre à l'immédiateté des problèmes mais travailler sur le moyen et long terme afin de créer une société juste qui ne laisse personne sur le bas-côté. Une société qui permet à ceux qui tombent de se relever, de reprendre leur souffle et de repartir à leur rythme. Sans jugement. Sans séquelles. Sans rejet.

Si on ne crée pas ça... A quoi bon ?

2 commentaires:

  1. Merci pour votre présence en 18 novembre et merci pour se témoignage qui prends aux tripes.

    J'étais présent parce nombre de ces personnes, je les connaissais...

    Je suis partagé entre tristesse et colère... J'aurais pu faire parti de ces morts de la rue si je n'en étais pas sorti en février 2009...

    Merci pour ce témoignage donc et continuez à nous éclairer.

    Hervé, ex SDF, Paris

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  2. Merci pour relayer cet évenement, terrible, mais dont qu'il ne faut pas taire !
    Et oui, les acteurs, les associations, les volontaires, les bénévoles, les citoyens... nous cherchons tous à essayer d'apporter une aide, un soutien, une présence... une réponse peut être...
    une réponse que nous devons entendre et prendre le temps d'entendre auprès des personnes exclues, de tous ceux que l'on n'écoute jamais, que l'on ne voit plus

    peut être nous croiserons nous lors de la nuit solidaire du 27 novembre ?

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